Nous faisons déjà dans le “Social Selling Washing” (cf. Loic Simon et mon dernier billet "Former ses commerciaux à LinkedIn, OK mais ça donne quoi ?") et devinez quoi, nous entrons aussi dans l’ère du “Employee Advocacy Washing” !
Mais bon, faisons les choses dans le bon ordre, commençons par définir ce que l’on entend exactement par “Employee Advocacy”. Parce que, soyons clair, ce n’est pas évident pour tout le monde, loin s'en faut. Et en plus, vous allez me dire, encore une expression venue d’outre-Atlantique. Et vous aurez raison.
Alors allons-y : l ” E mployee Advocacy” consiste à amener les collaborateurs - et tant qu’à faire le plus grand nombre possible de collaborateurs - à devenir des porte-parole, à représenter leur entreprise, ses marques, ses produits et services, ses expertises, ses valeurs, ses carrières, etc. au sein de leur activité réseaux sociaux.
Prenons l'exemple de Marc, cadre dans une grande entreprise. Marc est de bonne composition, il aime sa boîte, il s'y sent bien, il est OK pour jouer le jeu. Il va donc donner une orientation “corporate” à son activité LinkedIn. Ce faisant, il devient un “ambassadeur”, il incarne son employeur sur LinkedIn. Et comme il bosse aux Ressources Humaines, en cliquant sur “coordonnées” à partir de son profil, on pourra accéder aux différentes pages "carrière" du site Web de l’entreprise ; on pourra aussi consulter directement des vidéos d’entreprise hébergées sur Youtube, etc. Bien évidemment, en termes de prise de parole, il veillera à jouer un rôle de “passe-plat”, a minima il “likera” donc les posts "Marque Employeur" publiés par la page LinkedIn de sa boîte. Et il le fera d’autant plus volontiers et systématiquement qu’on mettra à sa disposition des outils dédiés - des outils de curation - comme Sociabble, Sharee, Elevate (qui est un outil LinkedIn) … Liste non exhaustive.
Et d’ailleurs, en passant, regardons comment ces plateformes présentent leur offre, histoire de bien comprendre ce qu'est l'E mployee Advocacy :
Sociabble : “Faire de vos employés une plateforme d’influence informée et engagée”, "permet aux entreprises de transformer leurs collaborateurs en ambassadeurs sur les réseaux sociaux" (source : page LinkedIn, interview de Jean-Louis Benard son fondateur)
Sharee : “Faciliter l’engagement de vos collaborateurs sur les réseaux sociaux, ces collaborateurs qui sont vos meilleurs ambassadeurs sur les réseaux sociaux”, "Donner le pouvoir à vos ambassadeurs sur les réseaux sociaux" (source : idem)
Elevate : “Facilite la découverte et le partage de contenu élaboré par des experts de votre entreprise" (source : le site Web LinkedIn Elevate)
Sur le fond, je ne dis pas que l’Employee Advocacy c’est mal. Je pense même que c’est une bonne idée.
Fort logiquement, on s’attend à ce que certains collaborateurs soient des ambassadeurs. Notamment les RH et recruteurs / sourceurs, les managers opérationnels, les Commerciaux… La Direction, aussi, bien évidemment. S’agissant de la force de vente, comment imaginer une activité de Social Selling sans un minimum d'Employee Advocacy ? Ca n’aurait tout simplement pas de sens.
...Maintenant, c’est une bonne idée à condition je pense de préserver les “aspérités individuelles” ; Derrière la façade de la comm’ corporate, on doit pouvoir sentir l’individu. L’individu qui est une personne unique avec une histoire professionnelle propre, des opinions propres, un regard propre. Parce que ce sont ces ingrédients-là qui font toute la saveur du réseautage Digital. On socialise avec des gens, pas avec des boîtes.
L’Employee Advocacy à outrance, du point de vue du public, cela donne quoi ?
Cela donne ce que j’appelle un “glaçon géant”, quelque chose de lisse et de froid.
Lisse parce que mûrement réfléchies en amont par le marcomm, les publications ainsi pondues, fabriquées à la chaine, conjuguent “politiquement correct”, clichés, respect excessif des conventions (ne pas prêter le flanc à la critique ; et même à la polémique, surtout ne prenons pas de risque…) Bref, c’est juste ch…t
Froid parce que le résultat sonne forcément très désincarné, peu humain. On essaie bien sûr d’y incorporer des émotions, mais elles sonnent creux. C’est du toc, des émotions préformatées, jetables, sans texture ni profondeur. Personne n’est dupe.
Géant parce que des dizaines - voire des centaines - d’acteurs “ambassadeurs” participent en bons petits soldats à la construction et à la maintenance du “machin”. Alors oui, on devient visible. Mais comme l’engagement n’est pas au rendez-vous, l’est-on vraiment ? Que dire d’une prise de parole qui ne suscite la réaction de personne… ?
Et donc, évidemment, ce qu’il faut pratiquer c’est de l’Employee Advocacy raisonné, avec à mon avis différents niveaux ou types d’ambassadeurs. Il faut absolument prévoir des “ambassadeurs +” qui se différencieront par un dosage mieux équilibré, plus d’ingrédients individu, et moins d’ingrédients purement entreprise, corporate. Avoir de simples "bons soldats" avec un rôle de "passe-plat" c'est OK (quoique, tout dépend de la saveur du plat en question), mais disposer d'une "sur-couche" bien réseautée d'experts-rédacteurs qui porteront le capital intellectuel de l'entreprise et mèneront de vraies conversations avec de vrais gens, c'est mieux !
Et vous qui évoluez - possiblement - dans des entreprises où le "Glaçon Géant" sévit, quels retours d'expérience pouvez-vous faire ?? Des exemples de chartes ? De modes d'emploi ??? ...
Auteur : Antoine Jambart